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ESMA - Exit


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[bruits de frapper à la porte]


Michel - hé oh, il y a quelqu’un, là, toc toc toc ?


[bruit de clés, et d’ouverture de porte]


[bruit de pas en chaussure]


Michel - heu au fait, heu, je pensais à ce qu’on disait hier,

Benoît - hum hum ?

M. - tu disais que je cogitais tout de travers,

B. - oh...

M. - c’est qu’à mon avis c’est toi qui pense à l’envers

B. -

M. - les gens qui disent que le ciel est bleu, n’est-ce pas, mais en vrai, j’ai réfléchi, et si moi je dis qu’il est gris, et qu’avec moi, tout le monde dit gris, pas bleu mais gris, tu vois : qui dit vrai, le seul fou qui dit bleu ?

B. - ah ah ah (rire), nous y voilà. Si chacun voit comme vous, ce qui est le cas, on considérera la chose comme ordinaire

M. - et c’est pour ça qu’on fout tous les fous en prison

B. - oh...

M. - les gens qui pensent différemment sont du poison pour la société

B. - oh... mais c’est sans comparaison avec ceux qui la font

M. - hein ? ceux “du plafond” ? hé hé... attends, attends

B. - ?

M. - non mais j’ai réfléchi, dans mon cerveau d’en haut, c’est enregistré tu vois, et ça c’est pas nouveau : le destin de l’homme, c’est de “pouvoiriser” le monde [ndlr: prendre le pouvoir], notre but ultime, c’est que tout nous corresponde. La vie n’est pas faite pour ceux qui s’ “enmorfondent” [ndlr: “se morfondent”], qui s’enffabulent [ndlr: “affabulent”], qui rêvassent, et qui s’imaginent qu’on peut garder la viergeré de nos joyaux [ndlr: pas sûr de ce qu’on entend] ? En résumé : des “enculubrations” [ndlr: élucubration]... (paf)

B. - oh !

M. - Utopie

B. - oh... (inspiration) bon. Il s’agit de tout reprendre du début. Je distingue dans tes propos, quelques abus. Regarde (bruits d’oiseaux) Voilà ce qu’il y avait sur Terre, avant : le soleil, la nature, et, les êtres vivants

M. - et alors ? hein, hein ?

B. - ben et alors, a-t-on besoin de plus ?

M. - “évidoctaire”, mon cher [ndlr: “évidemment, mon cher docteur”], qu’on a besoin de plus, donne-moi ça, je te montre

B. - non t t t...du calme !

M. - arrrg ! et si jamais, dans ton “joliland” où tout est si parfait, il pleut, ça arrive qu’il “pleute”

B. - heu, oui, parfois. Mais, mais je... que voulez-vous dire, j’avoue que je ne vois pas ?

M. - et bien ton feuillu [ndlr: l’arbre] comme je t’expliquais à l’instant, parce que tu es un homme et que tu es intelligent, tu inventes l’outil qui est adéquat pour tronçonner, tu en fais des belles planches, puisque tu es bien équipé. L’ “ingénialité” [ndlr: “la géniale ingéniosité“], la fierté du genre humain

B. - c’est grave. (pause) (réflexion) il faut, pour que genre humain perdure, prendre soin des éléments qui composent la Terre,

M. - (rires)

B. - chaque particule de poussière est nécessaire au maintient de l’équilibre

M. - ouais bé alors là, tu es rudement “grangère” [ndlr: ?], hein, c’est pas pour un arbre, même qu’il a pas souffert

B. - et vous, votre comportement est égoïste... (essoufflement). Il est primordial que vous acquériez, mon cher, une attitude meilleure, et un esprit ouvert

M. - moi, je suis pas “t’ouvert” [ndlr: = “tout vert”], moi ?

B. - ça me parait clair

M. - et bien je m’en vais te prouver le contraire, vois-tu, peu m’importe la matérialité, car moi je suis “t’ouvert” à l’ “espiritualité” [ndlr: l’esprit de la spiritualité]

B. - ah, mais c’est très bien, ça, oui oui oui, c’est même encourageant

M. - oui oui je sais je sais, je vais avec les gens bien “penchants” [ndlr: bien pensants] qui croient en de divaines qualités suppérieures. Et en plus, je les aime, et je fais leur bonheur (rire cochon)

B. - oui, d’accord, je vois. Mais, que faites-vous des autres ?

M. - des autres ? des autres ? ah oui des autres, heu voyons... Mais on s’en tape le cul dans le bénitier, c’est pas croyable ! Ils n’ont pas les mêmes coutumes que les autres

B. - que les votres, vous voulez dire. Ohhh c’est effrayant, comme vous pouvez êtres méchant, et intolérant. Il peut y avoir des croyants dans d’autres lieux que le votre

M. - oh, ah ah ah

B. - ou ici !

M. - ah ah ah ah ah ah... Non pas ici, non c’est trop prêt de chez moi

B. - oh. Comment, voulez-vous vivre correctement en société ?

M. - et oh, il y a quelqu’un, toc toc toc ? Il suffit pour cela que chacun soi chez soi, et tous tes voisins du coin, tu t’en contre moques

B. - mais ces confins, alors construits, les gens crieront “liberticide !” ou “infamie !”

M. - (tire la langue)

B. - et hisserons la lutte, détruirons vos murs, et le monde deviendra chaos, je vous assure

M. - mais non, mes amis et moi, on se défendra, taratata !

B. - pure folie !

M. - on sauva gagnera [ndlr: pas sûr], à l’envers [ndlr: “envers”] et contre tout

B. - mais tout ces gens, qui va venir à leur rescousse ?

M. - j’ai réfléchi, car s’ils en ont envie, moi je leur fournirai des chenillards [ndlr: des tanks] contre les dollars, et la mondialisation de l’économie, fera boursicoter tous nos technicos-cravatte [ndlr: nos technocrates]

B. - mais enfin, vous finirez par perdre le contrôle !

M. - et le cours de la parité de pétrole, et nous feront ...

B. - ... la pollution,

M. - ... des constructions,

B. - vous ferez un monde,

M. - de bonheur !

B. - de terreur !

M. - ce sera ...

B. - non !

M. - ... un paradis,

B. - mais, mais, ...

M. - pour toujours !

B. - ... mais que faites-vous de l’amour ?

M. - ? ... l’amour ? ... l’amour ... ? (image du tank)

B. - non !

M. - ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah

B. - regardez, comment ça serait sans vos idioties

M. - mais t’es “relou” [ndlr: t’es “lourd”], ce n’est pas vivant, on s’ennuie ! Voilà, le monde, tel qu’il doit être. Un point, et tout [ndlr: un point, c’est tout]

B. - mais, non ! Voyez, comme tout est respecté ainsi. Chacun est libre de vivre, aussi bien là, qu’ici

M. - foutaises !

B. - balivernes

M. - non !

B. - si !

M. - et, même que non !

B. - et même que si

M. - nooon !

B. - STOP


M. - nooon ! (chute)

B. - si, ça suffit, c’est en trop, on retourne en cellule

M. - oh, nooon, je commençais à peine à m’amuser

B. - ce n’est pas un jeu, et cela fait des années, qu’en vain, j’essaye sans que jamais je ne capitule, de vous expliquer à quel point vous vous trompez

M. - ok, je me trompe

B. - ahhh, si seulement vous étiez sincère...

M. - ... je suis sincère...

B. - (regard dans les yeux)

M. - (hochement de sourcils)

B. - AH !


M. - (cellule)

B. - vous êtes alarmant, affligeant, (fermeture à clé), désolant

M. - (geste de “au revoir”) hum hum... hum hum ! (musique gaie) (cou qui craque) (lunettes de soleil) (inspiration) (ouverture de la porte)


[écran noir, bruit de guerre, cris]


[image de la clé]


[générique de fin]


Exit

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